Est-ce que parce que j’ai entendu pour la première fois Erwin Schrott dans le rôle de Mefistofele en 2011 que ce titre de film me vient à l’esprit pour qualifier sa fantastique interprétation «Don Giovanni » de Mozart à l’Opéra de Monte-Carlo mercredi soir?
Tour à tour traître, cruel, hautin, méprisant, brutal, il met en relief le coté noir du personnage, mais comme le malin il sait aussi se monter séducteur, ensorceleur, charmeur… fascinant ses victime et le public. Plus que le libertin transgressant les règles établies que l’on nous montre habituellement il campe un Don Juan lancé sans remords dans une quête irréversible de la jouissance et de la perversion qui nous entraine avec le «Finch’han dal vino» dans une ronde effrénée vers une perte inévitable. Et lorsque dans la scène finale les fantômes des femmes qu’il a séduites se joignent à la statue du commandeur pour l’emporter, on se demande si c’est vers les enfers ou vers de nouvelles bacchanales.
A côté de ce géant, Adrian Sampetrean a du mal à s’imposer et campe un Leporello un peu en retrait face aux extravagances de son maître, mais c’est le rôle qui veux cela. Il donne la répartie, avec justesse et se taille aussi un beau succès auprès du public dans l’air du catalogue « Madamina, il catalogo è questo ». Fernando Javier Rado étouffe un peu dans le rôle de Masseto , Giacomo Prestia est un Commandeur majestueux et effrayant. Seul ténor égaré au milieu de ce défilé de basses Maxim Mironov est un excellent Don Ottavio et ses vocalises dans « il mio tesoro » sont d’une grande beauté.
La distribution féminine est de la même qualité, La mezzo-soprano Loriana Castellano est une Zerlina tanto naïve tanto mutine et son jeux scénique dans le « da si darem mano » est à la hauteur de l’exubérance de son partenaire. Patrizia Ciofi est à l’aise le rôle de Donna Anna qu’elle maîtrise et nous offre un « or sai chi l’onore » et un « Crudele ? non mi dir, bell’idol mio » qui frisent la perfection. Enfin en pendant du Don Giovanni démoniaque, la belle soprano bulgare Sonya Yoncheva est une épouse délaissée mais toujours aimante et fidèle malgré les trahisons successives, «In quali eccessi…Mi tradì quell’alma ingrata», et ses talents de comédienne associés à la richesse de ses nuances vocales en font probablement une des meilleure Donna Elvira que l’on puisse écouter actuellement.
La direction musicale de Paolo Arrivabeni accompagne avec une délicatesse et une élégance mozartienne la mise en scène théâtrale de Jean-Louis Grinda qui, confronté à la défection involontaire de Marguerite Borie, a repris les décors et les costumes de la production de 2008 en l’enrichissant de nouvelles trouvailles telle la tache de sang qui souille l’endroit où est mort le commandeur et que l’on ne peut effacer, ou ces personnages en ombres chinoises projetées sur un mur pendant le «Don Ottavio, son morta! » et qui semblent raconter une toute autre histoire.
En conclusion encore une soirée inoubliable comme sait si bien nous offrir l’Opéra de Monte-Carlo
(L’opéra est en ligne sur http://culturebox.francetvinfo.fr et http://www.medici.tv/#!/don-giovanni-opera-monte-carlo , et les airs cités peuvent être accédés directement sur ce deuxième site en cliquant dans l’index situé sur la gauche de l’écran)
Une réflexion au sujet de « La beauté du diable »